Exceptions au droit d'auteur dans un cadre pédagogique

L'utilisation en cours de documents multimédias fait partie du quotidien des enseignants mais le cadre juridique dans lequel s'inscrit cette pratique est souvent méconnu ou jugé trop complexe, voire incompatible avec la mission pédagogique. Cet article fait un point rapide sur le sujet, en tenant compte des accords sectoriels publiés aux BOEN du 4 février 2010 et du 29 septembre 2016.

Ce que dit la loi

Le droit d’auteur est défini par l’article L 111-1 du Code de la Propriété intellectuelle, article L 111.
L'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Dans l'exercice du métier d'enseignant, il convient évidemment d'adopter une attitude professionnelle qui tienne compte des contraintes imposées par la législation en vigueur. Cela permet à la fois de garantir l’enseignant, son établissement, le responsable juridique de l’établissement de poursuites judiciaires et pénales. Cela répond en outre à un impératif d'exemplarité auquel on ne saurait se soustraire en matière éducative.

L'article L122-5 précise
Lorsque l'oeuvre a été divulguée, l'auteur ne peut interdire :
(…)

3° Sous réserve que soient indiqués clairement le nom de l'auteur et la source :
(…)

e) La représentation ou la reproduction d'extraits d'oeuvres, sous réserve des oeuvres conçues à des fins pédagogiques et des partitions de musique, à des fins exclusives d'illustration dans le cadre de l'enseignement et de la recherche, y compris pour l'élaboration et la diffusion de sujets d'examens ou de concours organisés dans la prolongation des enseignements à l'exclusion de toute activité ludique ou récréative, dès lors que cette représentation ou cette reproduction est destinée, notamment au moyen d'un espace numérique de travail, à un public composé majoritairement d'élèves, d'étudiants, d'enseignants ou de chercheurs directement concernés par l'acte d'enseignement, de formation ou l'activité de recherche nécessitant cette représentation ou cette reproduction, qu'elle ne fait l'objet d'aucune publication ou diffusion à un tiers au public ainsi constitué, que l'utilisation de cette représentation ou cette reproduction ne donne lieu à aucune exploitation commerciale et qu'elle est compensée par une rémunération négociée sur une base forfaitaire sans préjudice de la cession du droit de reproduction par reprographie mentionnée à l'article L. 122-10 ;

Que peut faire l'enseignant ?

Un texte paru au BOEN en février 2010 précise clairement le périmètre de la fameuse exception pédagogique : dans le cadre d'accords conclus pour une période de trois ans, tacitement reconductible, les ministères et institutions concernés (MEN, MESR, conférence des présidents d'université) conviennent entre autres :

1.1.1 Utilisation d'œuvres intégrales et d'extraits d'œuvres dans la classe

S'agissant de la musique, sont autorisées la représentation intégrale dans la classe, aux élèves ou aux étudiants, d'enregistrements musicaux, ainsi que la représentation dans la classe d'œuvres musicales intégrales par les élèves ou étudiants, à des fins exclusives d'illustration de l'enseignement ou de la recherche.
S'agissant du cinéma et de l'audiovisuel, est autorisée la représentation dans la classe, aux élèves ou aux étudiants, d'œuvres intégrales diffusées en mode hertzien, analogique ou numérique, par un service de communication audiovisuelle non payant. Dans les autres cas, seule l'utilisation d'extraits, dans les limites précisées par l'accord, est possible.
Les reproductions temporaires d'œuvres intégrales ou d'extraits d'œuvres exclusivement destinées à la représentation en classe sont couvertes par les accords.

1.1.2 Utilisation d'œuvres ou extraits d'œuvres dans le cadre des sujets d'examens et de concours

Est prévue par les accords l'incorporation d'extraits d'œuvres dans un sujet d'examen permettant l'obtention d'un diplôme, titre ou grade délivré dans le cadre du service public de l'enseignement ou dans un sujet de concours d'accès à la fonction publique organisé par les ministères. L'incorporation de tels extraits est également prévue dans les sujets des épreuves organisées dans les établissements dans le cadre de l'évaluation des élèves et des étudiants.
Est autorisée par ailleurs la représentation d'œuvres musicales par un candidat à un examen ou à un concours ou dans le cadre des épreuves organisées dans les établissements pour l'évaluation des élèves ou étudiants.

L’accord national signé entre le CFC et le MEN permet aux enseignants des établissements publics et privés sous contrat d’association d’utiliser des œuvres protégées, sous d’autres formes que la photocopie.

Sont notamment concernées :
  • les utilisations d'œuvres en classe par tout moyen et procédé (vidéoprojecteur, TBI, ordinateur, tablette…) ;
  • la diffusion numérique d’extraits de publications sur un réseau sécurisé (ENT, plate-forme pédagogique…), ou au moyen d’une messagerie électronique, d’un support amovible (clé USB, CD-Rom…) ou autre, dès lors que cette diffusion est limitée aux seuls élèves concernés par l’activité d’enseignement considérée.
La mise en ligne sur internet n’est en revanche pas autorisée.
Cet accord national permet l'utilisation de tous types de publications, françaises et étrangères : il s'agit des journaux, revues, romans, essais, livres illustrés, livres pratiques, partitions musicales…, des dessins, œuvres d'art, photographies, illustrations…, édités sur support papier ou numérique, ainsi que des manuels scolaires édités sur support papier.

Remarque : cet accord permet de mettre en œuvre l’exception pédagogique.

Conditions générales

  • L'auteur et le titre de l'œuvre, ainsi que, s'agissant d'un enregistrement musical, les artistes-interprètes et l'éditeur doivent être mentionnés lors de son utilisation, sauf si l'identification de l'auteur ou de l'œuvre constitue l'objet d'un exercice pédagogique.
  • Les utilisations visées par les accords ne doivent donner lieu, directement ou indirectement, à aucune exploitation commerciale.
  • Les œuvres utilisées doivent avoir été acquises régulièrement.
  • Les accords sont sans effet sur les conditions contractuelles auxquelles est soumise l'acquisition des œuvres qui sont spécifiquement réalisées pour les besoins du service public de l'enseignement et de la recherche.
  • Les accords n'autorisent pas la distribution aux élèves, étudiants, enseignants ou chercheurs de reproductions intégrales ou partielles d'œuvres protégées ni la constitution de bases de données d'œuvres et autres objets protégés, ou d'extraits d'œuvres et autres objets protégés.

Utilisation d'extraits de supports du commerce

L'utilisation de supports édités du commerce (VHS pré-enregistrée du commerce, DVD vidéo, etc.) ou d'une œuvre cinématographique ou audiovisuelle diffusée sur un service payant (Canal+, Canalsatellite, TPS, service de vidéo à la demande) est désormais possible sur le fondement des accords, dès lors qu'elle se limite à des extraits, ci-après définis.
(…)

  • pour les enregistrements musicaux ou les vidéo-musiques : « extraits » s'entend de l'utilisation partielle d'une œuvre, limitée à trente secondes, et en tout état de cause inférieure au dixième de la durée totale de l'œuvre intégrale. En cas d'utilisation de plusieurs extraits d'une même œuvre, la durée totale de ces extraits ne peut excéder 15 % de la durée totale de l'œuvre ;
  • pour les œuvres audiovisuelles ou cinématographiques : « extraits » s'entend de parties d'œuvres dont la longueur est limitée à six minutes, et ne pouvant en tout état de cause excéder le dixième de la durée totale de l'œuvre intégrale. En cas d'utilisation de plusieurs extraits d'une même œuvre audiovisuelle ou cinématographique, la durée totale de ces extraits ne peut excéder 15 % de la durée totale de l'œuvre.

Les utilisations conformes aux clauses de l'accord sont réputées autorisées sans que les établissements ou les personnels aient à effectuer de démarches particulières. Les autres utilisations d'œuvres protégées doivent s'inscrire soit dans le cadre des exceptions au droit d'auteur prévues au 3° de l'article L. 122-5 du code de la Propriété intellectuelle (courtes citations, analyses, revues de presse), soit faire l'objet d'une autorisation spécifique.

En résumé

  • L'exception pédagogique n'est pas une autorisation d'enfreindre la loi !
  • L'enregistrement d'oeuvres diffusées gratuitement en mode hertzien (analogique ou numérique) peut être exploité en classe, les autres supports entrant dans le cadre des "supports du commerce".
  • La limite de la "citation" d'un support du commerce est de 30 secondes (musique ou vidéo-musique) ou de 6 minutes (oeuvre audiovisuelle ou cinématographique).

Mise à jour : janvier 2021